Re: La musique classique....
Posted: Thu Jun 02, 2016 5:19 pm
Bonjour à tous,
Suite à la rediffusion du film « Sueurs froides » (Vertigo) sur ARTE, j’ai redécouvert grâce à ce CD l’extraordinaire musique du compositeur attitré d’Alfred Hitchcock, Bernard Herrmann, qui a écrit de véritables petits chefs-d’oeuvre dont la puissance évocatrice colle si bien aux images inoubliables du maître réalisateur, qu’on peut les revoir défiler dans nos têtes rien qu’en écoutant la musique.
C’est probablement là le propre des meilleures musiques de film comparables à la musique dite sérieuse ou classique. En effet, Bernard Herrmann était passé maître dans l’art d’orchestrer et de nous faire frissonner en composant des pièces symphoniques originales faites d’accords sinistres parfois stridents (Psychose), de dissonances, de rythmes se répétant implacablement, mais aussi de mélodies pathétiques et exaltantes ("Marnie" et "Sueurs froides"), proches de l’ivresse sensuelle de « Tristan et Isolde » de Wagner.
Il s’était forgé son propre style fondé sur une technique d’écriture avant-gardiste à contre-courant de ce qui se faisait à l'époque à Hollywood.
Curieuse coïncidence, ayant fait précédemment ci-dessus l’éloge de Berlioz (lui aussi à l’avant-garde en son temps), j’apprends que justement Bernard Herrmann avait étudié le Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes de notre compositeur national, ainsi que des partitions de Ravel et Debussy. En tant que chef d’orchestre, il s’était aussi familiarisé avec la musique symphonique des grands compositeurs romantiques et n’hésitait pas à inclure dans son répertoire les modernes de l’époque, comme Stravinsky, Hindemith, Milhaud et son ami Charles Ives. Ce n’est donc pas un hasard si sa musique est présentée ici sur ce CD en suites d’orchestre admirablement interprétées par l’un des meilleurs orchestres américains, Los Angeles philharmonic, dirigé par Esa-Pekka Salonen, qui, par là même, sort de l’univers quelque peu cloisonné de la musique classique.
Ce CD, qui bénéficie d’une excellente prise de son, offre un éventail quasi complet des œuvres de Bernard Herrmann, un style musical reconnaissable entre mille, ce qui caractérise les grands compositeurs.
D’ailleurs, on oublie souvent que de grands compositeurs de musique classique, comme Prokofiev, Chostakovitch, Khatchaturian, Honegger, Milhaud, Walton ont aussi écrit pour le 7ème art.
Un des exemples les plus saisissants, où La puissance évocatrice de la musique vient renforcer le pouvoir visuel des images à un point tel que l’image et la musique ne font qu’un, est le célèbre film Alexandre Nevski d’Eisenstein sur une musique de Prokofiev, qui date de 1938 et que Alfred Hitchcock eut certainement l’occasion de visionner attentivement. Il aurait été intéressant de connaître ses impressions sur les films d’Eisenstein qui recherchait principalement l’effet émotionnel, souvent à des fins de propagande idéologique.
La célèbre « Bataille sur le lac gelé » (entre Russes et Teutons) qui dure près de 25mn est particulièrement impressionnante et émouvante tant sur le plan visuel que sonore.
A ce sujet, j’en profite pour signaler qu’un nouvel enregistrement SACD effectué à partir de la partition originale de la musique de ce film Alexandre Nevski est sorti en 2004 sous le label Capriccio : Un véritable travail de reconstitution d’un réel intérêt documentaire pour les amateurs de musique de film, consistant à faire concorder le manuscrit et la bande-son historique, et de les concilier sur le plan de l’interprétation. Il était temps car la bande-son originale était en très mauvais état.
Peut-être que certains d’entre vous connaissent déjà la magnifique Cantate Alexandre Nevski, plus courte (35mn), pièce de concert écrite à partir de la musique du film réarrangée par Prokofiev lui-même. Pour la version Cantate Alexandre Nevski, il y a Gergiev dirigeant le Kirov et le chœur du Théatre Mariinsky (100% russe sauf le label Philips).
Enjoy et vive la musique de film!