Une voiture dans « l’R » du temps
Acte 1 Scène 1....
Je quitte la place de stationnement sur laquelle, quelques instants plus tôt, mon hôte a arrêté son Volkswagen Scirocco R prétextant une fatigue soudaine l’empêchant de continuer plus avant.
Ne souhaitant pas le froisser dans sa démarche très élégante de me confier un trousseau de clefs à 45 000 euros sans devoir exprimer de faire peser sur mes épaules la responsabilité de le dédommager en cas de « pépin », j’accepte volontiers de m’acquitter du devoir qu’il me confie de manière tout à fait dévouée et sérieuse. On ne plaisante pas avec les choses marrantes, non mais !!!
Je m'installe alors dans les voluptueux et confortables fauteuils à réglages électriques et je tâtonne pour trouver ma position au plus près possible du volant, les dents à la limite du pare brise pour mieux profiter de la vue. Je démarre en douceur simplement en levant mon pied du frein et la voiture se meut alors à la façon qu’ont de se déplacer les véhicules équipés de motorisations hybrides. Le levier de la boite DSG (Direct-Shift Gearbox ou la boite "Automa-nuelle" de VW, l’un des pionniers du genre) est enclenché en position « Drive » et la voiture monte les rapports à ma place, j’ai l’impression d’être assis sur un Fenwick... En mode furtif, la voiture évolue sous le plancher de combat dans un silence religieux, presque électrique et passe sous la couverture radar. J’ai quasiment le temps de tendre la main par la fenêtre pour cueillir les châtaignes… ah oui au fait, nous sommes en Corse.
Acte 1 Scène 2...
La confiance s’installe très rapidement au volant de cette voiture à la prise en main très facile, la faute sans doute aux routines de conduite que m’a conféré mon véhicule personnel issu de la même famille et au volant duquel j’ai parcouru presque 90 000 bornes depuis 6 ans... Un véhicule très proche dans ses chromosomes puisque fabriquée par le même constructeur quelques années auparavant, un véhicule du même segment et qui affiche le même empattement que ce Scirocco dont je viens de prendre les commandes....
Deux générations de châssis séparent ma voiture de cette "R32 version 2.0", alors rouler avec ce Scirocco R c’est comme avoir appris à conduire sur une 4L (clin d’œil…) et rouler désormais dans une Twingo, tout parait plus facile !!
Je suis donc en terrain connu avec un léger surplus de confiance puisque dans le cas de la R32 que je mène habituellement je dois composer avec une corpulence et un embonpoint m'imposant une plus grande prudence. Je ne vais donc pas tarder à augmenter le rythme tout en demandant à mon passager s’il tolère l’allure à laquelle je roule désormais.
Le Scirocco ainsi amputé de la transmission intégrale et des 2 cylindres supplémentaires qu’on retrouvait jusqu’à une époque très récente sous le capot des modèles griffés du symbole R est en effet désormais beaucoup plus léger que ses devancières et permet des fantaisies que n’autorisent pas ses plus lourdes ainées, ce véhicule sportif dans l'âme m’incite dès lors à rouler plus vite que je ne le ferais habituellement avec une voiture que je ne connais pas car j’ai en fait l’impression d’être au volant d’une voiture très familière mais dépoussiérée, délestée des défauts qui font la personnalité de ma voiture.
Un poil trop vite en virage ? Pas un souci on écrase le freinage et la voiture se replace. Avec la R32 et son âne mort attaché à la calandre en guise de moteur un tel geste équivaut à un arrêt de mort signé en bon et due forme et daté du jour, comme les œufs fraichement pondus !
Sur ce Scirocco équipé d'un 4 cylindres turbo en lieu et place de l'antédiluvien et lourd VR6 le train avant, ainsi soulagé de quelques kilos de fonte superflus, est vif et agile. De plus, bienfaits de la technologie des liaisons au sols qui ont progressé depuis mon véhicule, il ne se laisse que très rarement déborder par la puissance qui lui tombe dessus avec autant de douceur qu’une gifle sur le museau quand le turbo se met à souffler.
Les roues arrières de leur côté n’ont pas à assumer le poids du pont arrière de la transmission intégrale qui inflige à mon véhicule une sanction d'une centaine de kilos supplémentaires. Ce Scirocco c’est une vraie gymnaste, des muscles plein le corps et une masse graisseuse réduite au minimum, il y a des watts sous la pédale de droite et un poids très contenu grâce à tous ces efforts de réduction des pièces à forte charge pondérale.
Acte 2, le passage à l’acte....
Je demande la permission à l’armurier assis à côté de moi sur la boite de cartouches, et avant toute autre démarche plus entreprenante puisque la carte grise est à son nom, s’il peut m’ouvrir la clé du placard à flingues afin que je mesure les possibilités de son jouet fraichement acquis : « hé… si je t’ai amené sur la 2ème spéciale du Tour de Corse c’est pas pour aller à la pêche aux grenouilles dans les ruisseaux du coin ».
Mes doigts agrippent les sélecteurs de vitesse placés de part et d’autre du volant, main droite pour monter les vitesses, main gauche pour les descendre !! Même un enfant de 13 ans comprendrait le fonctionnement… surtout un enfant de 13 ans puisque j’ai l’impression de tenir la manette de la Playstation et d’être installé devant Gran Turismo !!
J’écrase la pédale d’accélérateur et la voiture tombe 3 rapports, dans le langage technique on appelle ça un « kick-down », un coup de pied au sol dixit mes souvenirs de cours d’anglais de 3ème avec Madame Moignon. Mon cerveau, du moins ce qu’il en reste, commande à ma jambe d’arrêter de se tendre juste un peu avant que mon pied ne traverse le plancher du véhicule. La voiture répond avec plaisir à ma sollicitation et la sentence ne se fait pas attendre : la tension qu’exercent mes mains sur le volant se fait désormais plus ferme, mes doigts se resserrent. Comme en témoignent les photos prises par ma compagne assise derrière nous sur les strapontins arrières disposés entre le pot d’échappement et les 4 sacs de poudre à canon rangés en ligne sous le capot, ma jugulaire se contracte et les muscles enserrant mon cou se redressent.
La voiture avale avec l’agilité d’une patineuse effectuant un « triple loops », les nombreux virages qui se dressent devant moi jusqu’au point d’arrivée virtuellement et très sagement arrêté quelques dizaines de kilomètres plus loin « juste avant la gendarmerie » me confie mon comparse.
La conscience tranquille car toujours en deçà de ce que les lois m’autorisent, j'ai surtout la conscience tranquille d'être attentif à tous les éléments de mon pilotage puisque mon attention est, grâce au bénéfice de la boite DSG, désormais totalement déchargée de la tâche lourde et fastidieuse pour le cerveau, a fortiori à vive allure et dans te telles circonstances animées, de devoir gérer le passage des rapports. C’est donc tout à fait concentré sur mes trajectoires et sur le point de relance en sortie de courbe que je dévore les mètres d’asphalte, l’appétit vient en mangeant et plus on mange plus on a envie que la voiture en mange aussi un peu. Je décale encore un peu plus le moment où j’enclenche le rapport supérieur profitant de la zone d’efficience maximale du moteur turbo compressé dont je m’approche toujours un peu plus à pas de souris à chaque ligne droite reculant le moment ou l'aiguille du compte tours va reprendre sa course à zéro.
Et dans l’hypothèse où je suis trop optimiste quant aux possibilités de motricité des roues avant, y compris dans ce format de pneus montés sur les jantes OZ de 19’’ qui offrent des centimètres supplémentaires de grip, si je suis trop optimiste quant aux possibilités de la voiture de passer toute la puissance en sortie de virage je peux toujours compter sur l’autobloquant « Quaife » qui m’a rappelé à l’ordre une ou deux fois en m’expliquant, voyant clignotant sur le tableau de bord à l’appui, que les roues arrières ne sont là que pour se laisser entrainer par les roues avant, pas pour faire de l’exercice.
Il faut me refaire à l’habitude de ne plus me déplacer à 4 pattes avec la sécurité que cela comporte. Je suis trop habitué avec le système "4 motion" de ma R32 à arrêter la voiture avant le virage en remettant gaz au plancher dans la courbe afin de maximiser la motricité de mes 4 roues pour avoir l'audace d'expérimenter et de savourer le fonctionnement beaucoup plus pointu de ce Scirroco R qui demande des mains d’expert. C'est autre chose une "traction"...
Les faiblesses d’une voiture peuvent en constituer les forces et les parti pris technologiques de Vokswagen sur cette nouvelle génération de "R" font de ce Scirroco une voiture légère, alerte, vive en virage, une voiture de sport en somme comme les français savent en faire. Ça va vite et c’est taillé pour le sport, une taille de guêpe pour faire de l’exercice, une toute autre philosophie que celle qui prévalait jusqu’alors au sein de la famille qui a vu naitre une voiture aussi improbable et incongru que ma compacte dotée d’un moteur trop gros pour ses frêles roues.
Ma promenade se termine par une portion de route Nationale que je parcoure à allure très modérée en mode "Drive", portion sur laquelle la boite DSG adaptative ne peut s’empêcher de me rappeler mes excès précédents en rétrogradant d’office de 2 rapports lorsque je décélère à l’approche des grandes courbes.
En effet, fabuleuse spécificité de cette boite de vitesse qui apprend en roulant, elle a observé mon comportement des kilomètres précédents et me propose désormais un passage des rapports plus en accord avec ce qu’elle comprend désormais de mon style de conduite. Cependant et puisque ces itinéraires sont le point de répression privilégié des forces de l’ordre, je tempère les ardeurs de cette coquine de voiture qui m’incite pourtant à lui en mettre d’avantage dans la tronche. C’est alors très dur de résister à la tentation et c’est le plus gros travers de cette voiture qui ne décline son catalogue de sensations qu’à des allures très élevées !!
Je rejoins alors mes pénates totalement grisé par la sensation que m’a conféré le maniement de ce véhicule à vive allure et qui pourrait s’apparenter à la conduite d’un Kart sur une piste, mais un brin chaffouin néanmoins puisque je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour la mélodie du VR6 qui m’accompagne habituellement et qui ne nécessite pas d'être au delà d'une certaine vitesse pour en profiter.
Les seaux de puissance que le TFSi déchargeait alors sur mes genoux quelques minutes plus tôt me consolent bien difficilement de ce changement de politique auquel désormais plus personne ne pourra faire grand-chose.
Cette ligne de conduite permet cependant de repositionner d’avantage les véhicules à prétention sportive sur un segment où l’adage anglais prônant la légèreté des voitures de sport avant toute autre considération prend désormais tout son sens, un couplet suivi au pied de la lettre par la force des choses par les constructeurs français pendant des décennies faute de programme suffisamment ambitieux pour produire des moteurs à rallonge, et désormais repris par les constructeurs allemands pourtant spécialistes jusqu’alors des gros moteurs à faible rendement dont ma voiture est le fer de lance, des moteurs plus généreux en note de musique mais est-ce ce qu’on demande à une voiture faite pour rouler à vive allure sur des portions de pistes serrées ?... Je n’ai pas la réponse à cette question tant les sensations qu’offrent ces deux types de voitures sont en fait très différentes et s’adressent à deux populations très différentes dans leurs approches, en somme yaourt ou fromage personne n’a plus raison que l’autre… cependant je préfère le yaourt !!
Le temps que j’occupe à répondre à cette question dans ma tête me confirme en tout cas qu’aussi performant soit ce véhicule taillé pour aligner des chiffres sur des feuilles de chrono, mon curseur de plaisir reste irrémédiablement et toujours bloqué sur un appareil plus lourd, mon agile, plus gourmand et cependant plus vocal et taillé pour déposer des notes sur une feuille de partition….
Ce Scirocco R c’est une voiture dans « l’R » du temps, léger et efficient, mais pour reprendre une réplique de film célèbre « je suis devenu trop vieux pour ces conneries », je préfère la promenade en musique au sport, moins ascète qu’à cette envie de rouler vitres ouvertes au son des échappements.
Je ne boude cependant pas le privilège qui a été le mien de conduire une voiture en marge de la production courante et dont mon banquier ne m'autoriserait pas à faire l'acquisition !!
Une ballade aux commandes d'un tel engin, qui peut rêver d'un plus beau cadeau d'anniversaire ?!!!
